Peyre Rose

Au cœur de la garrigue héraultaise, près de Saint-Pargoire, se cache le domaine Peyre Rose, fondé dans les années 1990 par Marlène Soria, alors néophyte en viticulture. Sur une cinquantaine d’hectares dont 25 plantés en vignes (syrah majoritaire, complétée de mourvèdre, grenache, et un peu de rolle pour le blanc), cette vigneronne autodidacte a bâti une légende en bousculant tous les codes. Convaincue que ses terroirs pierreux balayés par le vent peuvent engendrer des vins d’exception, elle adopte des choix radicaux : rendements très faibles, vendanges à pleine maturité phénolique, vinifications longues et élevages démesurément prolongés. Ainsi, ses vins ne sont commercialisés qu’après de nombreuses années de cave – souvent 8 à 10 ans d’élevage et affinage en bouteilles – afin d’atteindre une harmonie optimale. Le résultat en a stupéfait plus d’un : dès la fin des années 90, Robert Parker encense les cuvées “Syrah Léone” et “Clos des Cistes”, deux rouges profonds et énigmatiques à base de syrah (accompagnée d’une pointe de mourvèdre et grenache), aux notes de truffe, de cuir fin, de fruits noirs confiturés et de garrigue, portés par une structure opulente mais soyeuse. Ces vins hors normes, alliant puissance méridionale et complexité aromatique digne des plus grands crus, ont acquis un statut culte auprès des amateurs et se sont arrachés à travers le monde malgré leur disponibilité confidentielle. Le domaine produit également “Oriane”, un blanc riche (rolle, roussanne…) à l’évolution majestueuse, et un rare rosé de gastronomie (“Précieuse”), tous marqués par la patte de Marlène Soria. Travaillant pratiquement seule, cette dernière a volontairement écarté son domaine des circuits officiels (ses vins sont souvent en Vin de France, refusant parfois les agréments de l’appellation pour garder sa liberté de style). Son acharnement et son perfectionnisme ont largement contribué à changer le regard sur les vins du Languedoc dans les hautes sphères œnophiles. Peyre Rose reste un mythe bien vivant : chaque nouveau millésime (souvent dévoilé très tardivement) est attendu fébrilement par les passionnés, conscients qu’il s’agit là d’une part de l’histoire contemporaine du vin français, née du génie obstiné d’une femme dans un coin de garrigue sauvage.